LA CHRONIQUE STRATÉGIQUE : confidence d’agence

A l’heure où la confidence fait office de concept de communication, il est temps de vous dévoiler un pan des coulisses de Servaire&Co. 

Aujourd’hui et encore plus demain, le design n’en finit plus de flirter avec la comm. Bien que foncièrement différent, le design en vient à remplir des objectifs de communication, à être consommé de la même façon et à être exploité à court terme, voire de manière instantanée.

Dans le cadre de projets 360°, les marques nous sollicitent pour des recommandations de designers stars qui, par leur nom signature et une création en co-branding apporteront le fameux effet waouh! Cela nous conforte dans notre expertise de direction artistique et stratégique mais peut parfois frustrer nos designers qui foisonnent d’idées aussi pertinentes et justes que les grands noms du design que nous soumettons.

Il y a plusieurs années déjà, nous avons donc  eu une idée ! Utiliser un prête nom. Avancer sous couvert, exécutant la création d’un personnage médiatique qui n’aurait plus qu’à signer et à communiquer. L’agence jouerait le rôle de nègre-designer comme peut le faire le domaine de l’édition. Nous assurerions la création dans l’ombre, à lui de subjuguer les médias. Tout le monde s’y retrouverait !

Le projet était ambitieux puisqu’il s’agissait bien d’élever un «inconnu» en grand nom du design susceptible ensuite de nous ramener pléthore de projets.

Le choix de notre poulain fut crucial. Quel personnage s’arracheraient les marques en manque de co-branding ou la presse friande de storytelling ?

L’idée de driver un designer montant, une jeune pousse fut écartée de suite. On recherchait un porte-voix et non un savoir-faire. Et le designer, trop souvent vêtu de noir, trop « torturé» par son métier difficile ne pourrait apporter la dynamique que recherchent la presse et les marques.

Non, l’idée fut de dénicher quelqu’un hors de la sphère design. Un de ces personnages multi-talents d’aujourd’hui, issu de l’audacieuse « slash generation», celle à l’avant-garde, aussi à l’aise dans un domaine créatif qu’un autre, capable de galvaniser son interlocuteur par sa passion et son enthousiasme.

Le storytelling était tout trouvé : «un autodidacte qui, ayant découvert le design sur le tard s’est lancé dans l’aventure, guidé par ses envies et les rencontres au point d’en tirer un épanouissement essentiel !»

On investigua la piste acteur ou musicien (après tout, Lenny kravitz a bien ouvert son studio de design ) Pas assez de fraîcheur et d’authenticité. Un street artist ? Déjà vu : les marques de mode ou de spiritueux ont depuis longtemps investi la street culture.

Finalement, après plusieurs échanges très freestyle, Servaire&Co trouva la personnalité qu’il lui fallait. Un généreux touche à tout de 32 ans, trilingue, une bonne humeur légendaire, un sens inné du spectacle et de l’autodérision ont ainsi permis un vent de fraicheur dans le monde du design qui se prend souvent bien trop au sérieux. Un relooking fut tout de même nécessaire pour imprimer un style vestimentaire reconnaissable exclusif, le rose étant pris par Karim Rashid et le blanc par Margiela.

 Plusieurs projets ont ainsi vu le jour, Servaire&Co dans l’exécution, lui dans la communication. Sans jamais dévoiler le secret. On se tait encore un an mais promis, on vous révélera son identité. RDV le 01 Avril 2017 !

GC

LA CHRONIQUE STRATÉGIQUE : la personnalisation, encore un luxe ?

Si les pièces uniques créées sur-mesure étaient encore il y a peu l’apanage des clients du luxe, aujourd’hui la personnalisation de produits est devenue commune. Même le mass market s’y est mis : Coca Cola avec Share a coke, Nike avec Nike ID, Carrefour avec Mydesign.com, Absolut avec Unique

Le luxe doit-il alors encore jouer la carte de la personnalisation ?

La personnalisation était aux origines l’essence même du luxe en répondant aux besoins spécifiques de chaque client. Ainsi, chez Vuitton, dès le XIX ème siècle, un artisan hautement qualifié écoutait la demande, prenait les mesures, proposait différents formats spécifiques, plusieurs finitions  et concevait des malles et objets de voyage parfaitement adaptés à la garde robe, aux goûts et à la diligence de l’acquéreur. Son dernier travail revenait à coudre ou graver les initiales pour permettre l’identification facile des bagages et satisfaire aussi l’égo de son propriétaire. La parfumerie, la mode, l’automobile ensuite, obéissaient au même rituel de personnalisation qui recouvrait donc l’ergonomie, la création, la «customisation», la fabrication et le service d’accompagnement indispensable pour tisser des liens durables avec ces rares privilégiés.

150 ans plus tard, pour une multitude de produits haut de gamme ou de luxe, chacun a l’opportunité de créer son propre modèle, d’en choisir les matières, les finitions, d’y graver ses initiales via des tablettes tactiles, des scanners 3D, des prototypes… une expérience devenue accessible grâce aux outils numériques, de la data généralisée à l’impression 3D jusqu’à la logistique informatisée. Chez Normal à New-York, des oreillettes sur mesure, chez Lissac à Paris des lunettes à ma physiologie, chez American pearl de la haute joaillerie, à l’Atelier Cologne un étui nomade à mes initiales, chez Harvey Nichols à Londres du chocolat à mon effigie via iMAKR, sur theartoftrench.com chez Burberry un trench sur mesure  parmi 12 millions d’options …

Autrement dit, l’humain, élément clé de la personnalisation du luxe d’hier s’est fait détrôné par le digital. L’artisan par la machine. La main par l’outil. Le fameux digit(al) anglo-saxon, le nouveau doigt de la création.

Même le naming est commun, de NIKE ID et KRUG ID à My M&M’s et MyBurberry, des Bespoke Barber shops de New-York au programme Bespoke de Glenfiddich ou de Rolls Royce, de Citroen C1 Swiss&Me au dernier programme LV&Me

Que doit alors faire le luxe pour rétablir son statut de maître en sur-mesure et éviter la confusion des genres avec un mass market qui propose les mêmes mécaniques, process et services ?

En premier revaloriser l’humain par le service. Rien ne vaut l’expérience vécue, affective. La «Sainte Expérience», recherchée par toutes les marques et dont le digital leur a finalement volé l’exclusivité. L’ expérience durant laquelle le client est quasi intronisé, choyé, guidé, valorisé, écouté et touché. Pour cela, les marques rivalisent d’invention : Thierry Mugler Parfums met son nez à disposition des clients les plus privilégiés, Vertu propose dans l’abonnement de ses téléphones un service de conciergerie 24h/24, les grandes marques de haute couture organisent des visites privées, des avant-premières, Boucheron des visites exclusives dans ses ateliers … La personnalisation n’est plus matérielle mais devient une émotion, un vécu rare. Le sur-mesure à vocation durable d’hier laisse place au sur-mesure éphémère d’aujourd’hui. Le client retrouve la rareté dans un immatériel que les marques doivent inventer, mettre en scène, scénographier et renouveler. Tout reste à faire !

Autre alternative pour le secteur du luxe : augmenter la valeur liée à la personnalisation. Valoriser les savoir-faire non reproductibles qui nécessitent la main de l’homme, l’intelligence humaine, le temps humain permet de mettre en exergue le fait-main, la beauté de l’imperfection, la poésie de l’aléatoire ( là où l’algorithme génère du hasard)

Hermès l’a bien compris en reprenant finalement un principe inhérent au sur-mesure d’autrefois : la liste d’attente. De 6 mois à plusieurs années de délai pour la fabrication d’un sac Hermès devient ainsi le gage d’un artisanat non standardisé.

Le succès aujourd’hui des « petites maisons de luxe »  ou marques niches qui ont fait du sur-mesure leur modèle économique atteste de ce besoin de renouer avec la vraie personnalisation. Nose ou Le Labo en parfum, La Contrie en maroquinerie, les marques suisses horlogères de niche plus confidentielles faisant appel au génie de conception et d’assemblage deviennent des valeurs sûres à l’abri des effets de mode. Dans cette voie, le temps est l’allié du luxe. Le temps long, analogique, tangible, humain devient un atout rare comparé à l’instantanéité omniprésente du digital. Le luxe doit davantage capitaliser sur ce concept pour en extraire son imaginaire propre.

Enfin, dernière option pour le luxe pour retrouver un statut en terme de sur-mesure : adopter finalement sa stratégie d’origine qu’était celle de l’innovation.Le luxe d’hier a construit son mythe sur les avancées techniques pour produire de la différence, de la rareté et donc de l’attraction. Le luxe à l’avenir a tout intérêt à retrouver une posture d’avant-garde. Et l’avant-garde aujourd’hui passe inévitablement par le digital ! Le summum d’un bagage personnalisé aujourd’hui ? Ce serait peut-être davantage un bagage qui reconnait mon empreinte digitale, que je peux localiser en temps réel, avec un service individuel de prise en charge… et c’est plutôt Rimowa qui l’invente. Pas Vuitton.

Le luxe français a la culture de l’héritage plus que de l’innovation. Pourtant, c’est bel et bien dans ce qui lui fait peur, c’est à dire dans les nouvelles technologies qu’il peut réaffirmer son statut et son expertise du sur-mesure. Burberry et son approche anglo-saxonne en est le parfait exemple.

Le digital induit de manière intrinsèque la personnalisation. Il est logique qu’il devienne le nouveau paradigme qui fait rêver les clients. le luxe n’a d’autre choix que de se réinventer.