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Oct
1
2015
LA CHRONIQUE STRATÉGIQUE : Marques et royauté, à chacun son Roi !
Chaque marque aspire à devenir un mythe. Pour y parvenir, un des moyens simples est de s’en approprier un déjà existant. La royauté en est un et non des moindres pour les marques françaises. C’est un bel héritage dont de nombreuses maisons cherchent à s’accaparer la couronne, ce symbole qui dit tout : l’excellence, l’Histoire, le statut de N°1, tout ça condensé en un pictogramme universel ! Quelques marques présentes à la Cour, bien souvent par leur savoir-faire inédit et de grande valeur, ont ainsi conservé l’esprit monarchique dans leur ADN actuel. Baccarat, manufacture créée par Louis XV en 1764, satisfaisait aux commandes prestigieuses des grandes tables royales du monde, activité poursuivie par Louis XVIII, Charles X, Louis Philippe, et … Read more

Chaque marque aspire à devenir un mythe. Pour y parvenir, un des moyens simples est de s’en approprier un déjà existant. La royauté en est un et non des moindres pour les marques françaises. C’est un bel héritage dont de nombreuses maisons cherchent à s’accaparer la couronne, ce symbole qui dit tout : l’excellence, l’Histoire, le statut de N°1, tout ça condensé en un pictogramme universel !

Quelques marques présentes à la Cour, bien souvent par leur savoir-faire inédit et de grande valeur, ont ainsi conservé l’esprit monarchique dans leur ADN actuel.
Baccarat, manufacture créée par Louis XV en 1764, satisfaisait aux commandes prestigieuses des grandes tables royales du monde, activité poursuivie par Louis XVIII, Charles X, Louis Philippe, et Napoléon III qui apposa le monogramme royal, aujourd’hui partie intégrante de l’identité de la maison comme la pampille rouge, héritée de la période royale.
Guerlain, dont la première boutique remonte à 1828, créa en 1853, l’Eau de Cologne Impériale, dédiée à l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, ce qui lui valut le brevet de «Fournisseur Royal de sa Majesté». Son flacon, surnommé Empire et orné de 69 abeilles impériales garnies d’or, tient encore lieu d’inspiration au design de certains flacons, et est encore aujourd’hui produit à l’identique avec les armoiries de Napoléon ainsi que le symbole de l’Empire sur l’étiquette. Comme aux origines, il est même personnalisable sur commande.
On comprend donc aisément pourquoi l’or appartient définitivement à la maison.
C’est d’ailleurs la même Eugénie qui contribua au succès de Vuitton.
Moet & Chandon doit son nom à l’empereur Napoléon Bonaparte, qui selon la légende inventa la tradition du sabrage de bouteilles pour célébrer ses victoires. Aujourd’hui, tout chez Moët&Chandon rappelle le souverain, de la couronne présente dans l’identité graphique au territoire de marque ou le naming des produits : Nectar Impérial, Ice Impérial…le champagne n’a pas fini d’être le vin des rois.

D’autres marques construisent le mythe royal tout en surfant sur les approximations de l’Histoire.
Ladurée, fondée en 1862, joue la carte Napoléon III pour l’inspiration de la décoration de ses boutiques, ses coffrets au nom de l’empereur et son univers de marquis et marquises. Le mythe est poussé jusqu’à l’anachronisme du film Marie Antoinette où des macarons sont servis à la reine !
La marque-reine de cognac, Louis XIII, doit son nom et le design de son flacon iconique à une gourde trouvée sur un champ de bataille dudit roi. Sur ce fait anecdotique s’est construit un imaginaire de marque à la puissance inégalée à l’étranger.
Une marque a brillamment réussi l’exercice : la Maison Cire Trudon, manufacture Royale qui fournit en bougies et cierges le Versailles de Louis XV puis la Cour de Napoléon. Rien ne laisse à penser que celle-ci est en fait née ou plutôt a été ressuscitée en 2006 par un grand coup marketing après avoir complètement disparu dès 1884.

Les stratégies de conquête de la couronne sont donc multiples, la règle étant ensuite de ne pas s’enfermer dans un héritage trop lourd ou dans une vision trop passéiste. La caution royale se doit d’être transformée en rêve moderne.
Ladurée y ajoute beaucoup de romantisme et de légèreté ; Moët & Chandon applique le concept de règne aux territoires actuels de la victoire sportive et du succès cinématographique, Cire Trudon appose une dose de fluo sur ses cierges, Louis XIII fait des versions limitées Black Pearl ou Rare Cask de son flacon mythique….

On peut juste s’étonner finalement de trouver beaucoup de rois et aucune reine. A l’heure de Khaleesi, le statut de souveraine aurait pourtant un fort potentiel. À quand une maison de champagne Blanc de blancs qui se dénommerait Blanche de Castille ? À quand une marque d’épicerie fine «Marie de Médicis», elle qui a tant fait pour la gastronomie française ? À quand une marque de joaillerie qui exploite la personnalité et les joyaux de la couronne d’Anne de Bretagne ?
Suffit juste de creuser l’Histoire, la voie peut-être royale, comme le ROI ( Return of Investment ) 🙂 !
Le Roi est mort ! Vive le Roi !

Gilles Caillet